«Corriger» un élève se résume, pour certains enseignants, à le marquer à jamais par un traumatisme physique ou psychologique. Les sévices à l’école sont souvent banalisés par la société algérienne et parfois recommandés pour se faire «respecter». Si la législation demeure confuse, les défenseurs des droits de l’enfant s’alarment de la recrudescence des cas.
Depuis deux ans, Sarah ne va plus à l’école. Un coup de bâton sur la tête, un anévrisme cérébral et deux mois dans le coma. Telle a été la triste fin de la scolarité de cette adolescente de 15 ans. L’auteur de cette agression n’est ni un fou à lier lâché dans la nature ni un délinquant sous l’effet de psychotropes. Mais… son professeur des sciences de la nature et de la vie dans un collège à Baraki. Le cas de la jeune victime n’est hélas pas singulier. Pour certains écoliers, l’école est devenue un vrai cauchemar. A l’occasion de la Journée mondiale des droits de l’enfant, le 20 novembre, le président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et du développement de la recherche (Forem), Mustapha Khiati, a annoncé le chiffre alarmant de 10 000 cas de sévices sur enfants non déclarés chaque année en Algérie.
Parmi ce nombre effarant d’enfants maltraités, certains subissent les violences, à l’école, par l’enseignant, le surveillant et même le directeur, à l’exemple de Maya. Cette belle jeune fille de 18 ans, en classe de terminale, n’arrive toujours pas à oublier la gifle que lui a assénée le directeur du CEM aux Sources, à Alger, il y a quelques années. «Je me souviens qu’on était dans la cour et le directeur a remarqué que je n’étais pas bien ‘‘alignée’’ dans la rangée. Je l’ai vu s’approcher de moi croyant qu’il allait, au pire des cas, me sermonner. A ma grande surprise, j’ai reçu une gifle qui m’a laissée abasourdie pendant quelques minutes devant tous les élèves du collège», se rappelle-t-elle les larmes aux yeux.
Loi ambiguë
En fin de journée, le père de la collégienne, outré, s’adresse au commissariat de police pour déposer une plainte. Comble de l’ironie, on lui demande de délivrer un certificat médical. Les traces de la gifle avaient malheureusement «disparu» et le directeur n’a jamais été inquiété, à l’instar de l’enseignant de Sarah qui, selon le témoignage de sa mère, «a réussi à déjouer la justice et continue jusqu’à ce jour d’exercer son métier et toujours dans le même établissement scolaire», dénonce-t-elle. En plus du châtiment corporel et de ses conséquences psychologiques, les parents se retrouvent, dans la majorité des cas, face à une loi ambiguë portant sur l’interdiction des sévices corporels et moraux dans les établissements scolaires, et la sanction de leurs auteurs, sans pour autant définir les cas de violence susceptibles d’occasionner une sanction de l’auteur. Autres confusions : les sanctions sont-elles basées sur la gravité de la blessure ? Sur la foi du certificat médical ? Le nombre de jours d’incapacité ?
Quelles sont les sanctions prévues en cas de sévices moraux ? Le professeur Madjid Bessaha, médecin expert près les tribunaux au CHU Mustapha Pacha et président de la société algérienne de médecine légale, met le doigt sur l’usage du certificat médical délivré par le médecin légiste en préconisant que ce document ne doit pas faire l’objet de l’unique preuve pour sanctionner l’auteur du péché. «Le certificat médical est ‘‘vicieux’’. Moi, en tant que médecin légiste, je peux mentionner que le patient ne présente aucune ecchymose ni trace de violence, mais cela n’exclut pas qu’il a subi une maltraitance», estime-t-il. Et d’ajouter : «Je reçois un à deux cas de violence à l’école par semaine, et chaque histoire est plus bouleversante l’une que l’autre. La dernière en date est celle d’un enfant puni par sa puéricultrice dans une crèche à Alger.
Four allumé
Elle n’a pas trouvé mieux que de le mettre, les fesses nues, sur un feu traditionnel (tabouna) allumé !» Au-delà des supplices physiques racontés par nos témoins, les sévices sont parfois moraux. Une injure lancée par un directeur d’école primaire à un enfant épileptique le menaçant de l’exclure de l’école à cause des «tracasseries» qu’il cause, ou une insulte proférée par un enseignant à une lycéenne orpheline de père en lui criant à la figure : «Ton père ne t’a pas bien éduquée.» Les élèves ont de quoi être traumatisés ! Du côté du ministère de l’Education nationale, Latifa Remki, directrice des activités culturelles, sportives et sociales, assure que la tutelle effectue chaque année un bilan des différentes formes de violence sur le territoire national, en assignant les directeurs d’établissement de répondre à des questionnaires ciblés. Par ailleurs, le ministère a déjà sanctionné des instituteurs après un conseil de discipline, suite à des plaintes de parents, selon Latifa Remki. Mais encore faut-il que les parents soient conscients de la gravité de certains «gestes» envers leurs enfants à l’école, banalisés dans notre société.
Lamia Tagzout
Depuis deux ans, Sarah ne va plus à l’école. Un coup de bâton sur la tête, un anévrisme cérébral et deux mois dans le coma. Telle a été la triste fin de la scolarité de cette adolescente de 15 ans. L’auteur de cette agression n’est ni un fou à lier lâché dans la nature ni un délinquant sous l’effet de psychotropes. Mais… son professeur des sciences de la nature et de la vie dans un collège à Baraki. Le cas de la jeune victime n’est hélas pas singulier. Pour certains écoliers, l’école est devenue un vrai cauchemar. A l’occasion de la Journée mondiale des droits de l’enfant, le 20 novembre, le président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et du développement de la recherche (Forem), Mustapha Khiati, a annoncé le chiffre alarmant de 10 000 cas de sévices sur enfants non déclarés chaque année en Algérie.
Parmi ce nombre effarant d’enfants maltraités, certains subissent les violences, à l’école, par l’enseignant, le surveillant et même le directeur, à l’exemple de Maya. Cette belle jeune fille de 18 ans, en classe de terminale, n’arrive toujours pas à oublier la gifle que lui a assénée le directeur du CEM aux Sources, à Alger, il y a quelques années. «Je me souviens qu’on était dans la cour et le directeur a remarqué que je n’étais pas bien ‘‘alignée’’ dans la rangée. Je l’ai vu s’approcher de moi croyant qu’il allait, au pire des cas, me sermonner. A ma grande surprise, j’ai reçu une gifle qui m’a laissée abasourdie pendant quelques minutes devant tous les élèves du collège», se rappelle-t-elle les larmes aux yeux.
Loi ambiguë
En fin de journée, le père de la collégienne, outré, s’adresse au commissariat de police pour déposer une plainte. Comble de l’ironie, on lui demande de délivrer un certificat médical. Les traces de la gifle avaient malheureusement «disparu» et le directeur n’a jamais été inquiété, à l’instar de l’enseignant de Sarah qui, selon le témoignage de sa mère, «a réussi à déjouer la justice et continue jusqu’à ce jour d’exercer son métier et toujours dans le même établissement scolaire», dénonce-t-elle. En plus du châtiment corporel et de ses conséquences psychologiques, les parents se retrouvent, dans la majorité des cas, face à une loi ambiguë portant sur l’interdiction des sévices corporels et moraux dans les établissements scolaires, et la sanction de leurs auteurs, sans pour autant définir les cas de violence susceptibles d’occasionner une sanction de l’auteur. Autres confusions : les sanctions sont-elles basées sur la gravité de la blessure ? Sur la foi du certificat médical ? Le nombre de jours d’incapacité ?
Quelles sont les sanctions prévues en cas de sévices moraux ? Le professeur Madjid Bessaha, médecin expert près les tribunaux au CHU Mustapha Pacha et président de la société algérienne de médecine légale, met le doigt sur l’usage du certificat médical délivré par le médecin légiste en préconisant que ce document ne doit pas faire l’objet de l’unique preuve pour sanctionner l’auteur du péché. «Le certificat médical est ‘‘vicieux’’. Moi, en tant que médecin légiste, je peux mentionner que le patient ne présente aucune ecchymose ni trace de violence, mais cela n’exclut pas qu’il a subi une maltraitance», estime-t-il. Et d’ajouter : «Je reçois un à deux cas de violence à l’école par semaine, et chaque histoire est plus bouleversante l’une que l’autre. La dernière en date est celle d’un enfant puni par sa puéricultrice dans une crèche à Alger.
Four allumé
Elle n’a pas trouvé mieux que de le mettre, les fesses nues, sur un feu traditionnel (tabouna) allumé !» Au-delà des supplices physiques racontés par nos témoins, les sévices sont parfois moraux. Une injure lancée par un directeur d’école primaire à un enfant épileptique le menaçant de l’exclure de l’école à cause des «tracasseries» qu’il cause, ou une insulte proférée par un enseignant à une lycéenne orpheline de père en lui criant à la figure : «Ton père ne t’a pas bien éduquée.» Les élèves ont de quoi être traumatisés ! Du côté du ministère de l’Education nationale, Latifa Remki, directrice des activités culturelles, sportives et sociales, assure que la tutelle effectue chaque année un bilan des différentes formes de violence sur le territoire national, en assignant les directeurs d’établissement de répondre à des questionnaires ciblés. Par ailleurs, le ministère a déjà sanctionné des instituteurs après un conseil de discipline, suite à des plaintes de parents, selon Latifa Remki. Mais encore faut-il que les parents soient conscients de la gravité de certains «gestes» envers leurs enfants à l’école, banalisés dans notre société.
Lamia Tagzout