A Bamiyan, dix audacieuses ont chaussé les skis, une première pour des femmes dans ces montagnes de l’Afghanistan.
Un étrange groupe sportif venu de la ville vient troubler le petit hameau de Khoshkak, niché en contrebas des sommets de Koh-e-Baba qui dominent la vallée de Bamiyan. Les hommes et les enfants sont eux aux premières loges, ils peinent à détacher leur regard des dix femmes en foulard et manteau noir, qui, à quelques mètres de là, tentent en riant de chausser des skis. Dans ce village, la plupart des femmes ne sortent pas sans voile intégral.«Des femmes qui skient ? Je suis contre si elles doivent le faire sans burqa», martèle un jeune homme guère convaincu par cette nouveauté «importée par l’Occident». Cette sortie, le guide italien chargé par la Fondation Aga Khan (AKF), de dispenser les premières leçons de ski de l’histoire de la région, l’appréhendait. Il n’avait eu aucune difficulté à trouver une douzaine d’élèves chez les garçons du cru, mais quand, avec la mission locale de l’ONU il a avancé l’idée de faire une leçon spéciale pour les femmes, il a senti des réticences.
L’un de ses meilleurs élèves vient de Khoshkak, où il guette lui aussi les skieuses ce jour-là. Il porte ses lunettes de soleil fétiches, copie de grandes marques qu’il arbore également sur les pistes. Mais les femmes, «si elles veulent skier, elles devraient mettre la burqa, ou au moins se couvrir le visage», juge-t-il. Les apprenties skieuses sont, à l’échelle afghane, l’antithèse des «ombres bleues» paysannes. Agées de 20 à 30 ans, étudiantes ou employées en ville, «elles viennent de familles progressistes», selon l’AKF. «C’est la première fois que je fais une chose pour moi-même !», confie l’une d’elles aux organisateurs. Une autre les remercie : «Vous m’avez donné l’occasion de mieux me connaître.» Zahra, 28 ans, a le dos supplicié par les chutes, mais cette employée de l’ONU à Bamiyan a aimé le ski, «très excitant».
La timide Naz Dana, lycéenne de 16 ans, jolis yeux en amande sous son foulard jaune d’or, a, comme d’autres, entendu les «mauvais commentaires» de certains hommes «et aussi de femmes» à propos des skieuses. Mais elle ne se démonte pas. La burqa ? «C’est impossible de voir la piste avec», constate-t-elle, mais elle est surtout superflue, car le ski peut être «compatible avec l’Islam», sans cet artifice. Sur les hauteurs de Bamiyan, un jeune mollah de 36 ans ne la dément pas : «Si la femme est correctement couverte des orteils à la tête, avec un foulard, elle n’a pas besoin de burqa.» Il préconise par ailleurs que «le moniteur soit une femme», sinon «un homme qui sait garder ses distances». Une synthèse que le volley-ball, sport le plus prisé des jeunes filles de Bamiyan, n’a pas encore réussi à composer : faute de gymnase fermé, à l’abri des regards masculins, la ville ne compte toujours pas d’équipe.
elwatan
Un étrange groupe sportif venu de la ville vient troubler le petit hameau de Khoshkak, niché en contrebas des sommets de Koh-e-Baba qui dominent la vallée de Bamiyan. Les hommes et les enfants sont eux aux premières loges, ils peinent à détacher leur regard des dix femmes en foulard et manteau noir, qui, à quelques mètres de là, tentent en riant de chausser des skis. Dans ce village, la plupart des femmes ne sortent pas sans voile intégral.«Des femmes qui skient ? Je suis contre si elles doivent le faire sans burqa», martèle un jeune homme guère convaincu par cette nouveauté «importée par l’Occident». Cette sortie, le guide italien chargé par la Fondation Aga Khan (AKF), de dispenser les premières leçons de ski de l’histoire de la région, l’appréhendait. Il n’avait eu aucune difficulté à trouver une douzaine d’élèves chez les garçons du cru, mais quand, avec la mission locale de l’ONU il a avancé l’idée de faire une leçon spéciale pour les femmes, il a senti des réticences.
L’un de ses meilleurs élèves vient de Khoshkak, où il guette lui aussi les skieuses ce jour-là. Il porte ses lunettes de soleil fétiches, copie de grandes marques qu’il arbore également sur les pistes. Mais les femmes, «si elles veulent skier, elles devraient mettre la burqa, ou au moins se couvrir le visage», juge-t-il. Les apprenties skieuses sont, à l’échelle afghane, l’antithèse des «ombres bleues» paysannes. Agées de 20 à 30 ans, étudiantes ou employées en ville, «elles viennent de familles progressistes», selon l’AKF. «C’est la première fois que je fais une chose pour moi-même !», confie l’une d’elles aux organisateurs. Une autre les remercie : «Vous m’avez donné l’occasion de mieux me connaître.» Zahra, 28 ans, a le dos supplicié par les chutes, mais cette employée de l’ONU à Bamiyan a aimé le ski, «très excitant».
La timide Naz Dana, lycéenne de 16 ans, jolis yeux en amande sous son foulard jaune d’or, a, comme d’autres, entendu les «mauvais commentaires» de certains hommes «et aussi de femmes» à propos des skieuses. Mais elle ne se démonte pas. La burqa ? «C’est impossible de voir la piste avec», constate-t-elle, mais elle est surtout superflue, car le ski peut être «compatible avec l’Islam», sans cet artifice. Sur les hauteurs de Bamiyan, un jeune mollah de 36 ans ne la dément pas : «Si la femme est correctement couverte des orteils à la tête, avec un foulard, elle n’a pas besoin de burqa.» Il préconise par ailleurs que «le moniteur soit une femme», sinon «un homme qui sait garder ses distances». Une synthèse que le volley-ball, sport le plus prisé des jeunes filles de Bamiyan, n’a pas encore réussi à composer : faute de gymnase fermé, à l’abri des regards masculins, la ville ne compte toujours pas d’équipe.
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