Au 18e jour du soulèvement populaire en Égypte, après avoir vainement tenté de jouer les prolongations, le président Moubarak a fini par démissionner en transférant ses pouvoirs à l’armée.
Le discours à la nation qu’il a prononcé dans la soirée de jeudi, à travers lequel il persistait à vouloir terminer son mandat, a eu un effet de douche froide sur les manifestants de la place Tahrir et de nombreuses autres places d’une Égypte insurgée.
Moins de vingt-quatre heures plus tard, le raïs plie sous la pression populaire. Le discours de jeudi était attendu et fêté par anticipation parce que les interventions de la hiérarchie militaire à la place Tahrir et, un peu plus tard, à travers les canaux de la télévision, laissaient entendre que le chef de l’État ne pouvait annoncer que son départ, c’est-à-dire la satisfaction de la principale revendication des manifestants. L’attente était d’autant plus légitime que même le directeur de la CIA s’est mis de la partie en pronostiquant qu’il y avait de fortes probabilités que Moubarak annonce son retrait du pouvoir, alors que le secrétaire général du PND, le parti présidentiel en Égypte, a fait un pronostic de même nature.
C’est dire la déception et la colère qui ont prévalu à la place Tahrir, dès les premiers mots du président Moubarak, qui annonçaient déjà sa volonté de rester à son poste. De la part du raïs, c’était vraiment faire preuve d’autisme.
Car la rue n’a cessé, depuis plus de deux semaines, d’exiger son départ. Et ce n’est pas en tentant d’exacerber le nationalisme à fleur de peau des Égyptiens, en dénonçant les pressions internationales, qu’il pouvait amadouer un peuple apparemment décidé à aller jusqu’au bout de sa démarche. Intervenant un peu plus tard, le vice-président Omar Souleïmane a appuyé la position du raïs et a demandé aux manifestants de rentrer chez eux. Ce faisant, le chef des services de renseignements, perçu par la rue comme l’homme des basses œuvres de Moubarak, a brûlé toutes ses cartes et perdu toute possibilité de conduire, éventuellement, la transition. De fait, sa démission concomitante avec celle de Moubarak ne surprend pas et devrait être saluée comme il se doit par la rue égyptienne. L’armée a bien tenté vendredi matin de convaincre les manifestants que la feuille de route proposée par Moubarak était acceptable et qu’elle se portait garante de sa mise en œuvre.
Le seul effet que cela a eu sur les manifestants a été un regain de colère et de détermination. Que s’est-il donc passé qui puisse justifier un tel cafouillis dans la communication de l’institution militaire, détentrice, en fin de compte, du pouvoir réel en Égypte ? Plusieurs explications sont avancées par des analystes connaissant parfaitement les arcanes du pouvoir en Égypte et l’imbrication de celui-ci avec les différents corps de l’armée. L’une des hypothèses les plus plausibles serait que certaines de ses franges, à l’image de l’armée de l’air dont est issu Moubarak, de la garde républicaine qui lui est acquise et des moukhabarat, auraient refusé de lâcher le président pour lui éviter le sort peu enviable de son homologue tunisien. L’armée de terre, elle, serait plus proche du peuple et n’aurait eu aucun scrupule à forcer le raïs à partir. Une chose est sûre, c’est que le président Moubarak et sa famille ont quitté le Caire sitôt après son discours de la nuit de jeudi, pour se réfugier dans l’une de leurs résidences à Charm El-Cheikh.
C’est donc de cette station balnéaire que le raïs a fait connaître sa démission, alors que les Égyptiens étaient dans la rue par centaines de milliers et que certains d’entre eux cernaient la résidence cairote des Moubarak, le siège de la télévision d’État et le palais présidentiel. Et, malice de l’histoire, alors que le raïs va se réfugier à la frontière israélienne, c’est précisément un député travailliste de l’État hébreu, Benyamin Ben Eliezer, qui a donné l’information la plus importante à son propos, au moment où tous s’interrogeaient. Moubarak “sait que c’est fini, que c’est la fin de la route.
Il ne m’a dit qu’une seule chose peu avant son discours, c’est qu’il cherchait une voie de sortie”, a-t-il déclaré. C’est dire que le raïs savait que c’en était fait pour lui, avant même de prononcer son discours de jeudi. S’il l’a fait, dans les termes qu’il a choisis et qui ne sont pas ceux qu’attendaient l’armée et les manifestants, c’est qu’il voulait faire un cadeau empoisonné à l’institution militaire qui l’a lâché.
De fait, l’institution militaire n’avait plus guère le choix : ou elle tire dans le tas pour tenter de sauver le soldat Moubarak, ou elle dépose le président selon une formule peu orthodoxe, le coup d’État. La première hypothèse étant peu envisageable, c’est la seconde qui vient de se produire. Même si, officiellement, il s’agit d’une démission.
libertè
Le discours à la nation qu’il a prononcé dans la soirée de jeudi, à travers lequel il persistait à vouloir terminer son mandat, a eu un effet de douche froide sur les manifestants de la place Tahrir et de nombreuses autres places d’une Égypte insurgée.
Moins de vingt-quatre heures plus tard, le raïs plie sous la pression populaire. Le discours de jeudi était attendu et fêté par anticipation parce que les interventions de la hiérarchie militaire à la place Tahrir et, un peu plus tard, à travers les canaux de la télévision, laissaient entendre que le chef de l’État ne pouvait annoncer que son départ, c’est-à-dire la satisfaction de la principale revendication des manifestants. L’attente était d’autant plus légitime que même le directeur de la CIA s’est mis de la partie en pronostiquant qu’il y avait de fortes probabilités que Moubarak annonce son retrait du pouvoir, alors que le secrétaire général du PND, le parti présidentiel en Égypte, a fait un pronostic de même nature.
C’est dire la déception et la colère qui ont prévalu à la place Tahrir, dès les premiers mots du président Moubarak, qui annonçaient déjà sa volonté de rester à son poste. De la part du raïs, c’était vraiment faire preuve d’autisme.
Car la rue n’a cessé, depuis plus de deux semaines, d’exiger son départ. Et ce n’est pas en tentant d’exacerber le nationalisme à fleur de peau des Égyptiens, en dénonçant les pressions internationales, qu’il pouvait amadouer un peuple apparemment décidé à aller jusqu’au bout de sa démarche. Intervenant un peu plus tard, le vice-président Omar Souleïmane a appuyé la position du raïs et a demandé aux manifestants de rentrer chez eux. Ce faisant, le chef des services de renseignements, perçu par la rue comme l’homme des basses œuvres de Moubarak, a brûlé toutes ses cartes et perdu toute possibilité de conduire, éventuellement, la transition. De fait, sa démission concomitante avec celle de Moubarak ne surprend pas et devrait être saluée comme il se doit par la rue égyptienne. L’armée a bien tenté vendredi matin de convaincre les manifestants que la feuille de route proposée par Moubarak était acceptable et qu’elle se portait garante de sa mise en œuvre.
Le seul effet que cela a eu sur les manifestants a été un regain de colère et de détermination. Que s’est-il donc passé qui puisse justifier un tel cafouillis dans la communication de l’institution militaire, détentrice, en fin de compte, du pouvoir réel en Égypte ? Plusieurs explications sont avancées par des analystes connaissant parfaitement les arcanes du pouvoir en Égypte et l’imbrication de celui-ci avec les différents corps de l’armée. L’une des hypothèses les plus plausibles serait que certaines de ses franges, à l’image de l’armée de l’air dont est issu Moubarak, de la garde républicaine qui lui est acquise et des moukhabarat, auraient refusé de lâcher le président pour lui éviter le sort peu enviable de son homologue tunisien. L’armée de terre, elle, serait plus proche du peuple et n’aurait eu aucun scrupule à forcer le raïs à partir. Une chose est sûre, c’est que le président Moubarak et sa famille ont quitté le Caire sitôt après son discours de la nuit de jeudi, pour se réfugier dans l’une de leurs résidences à Charm El-Cheikh.
C’est donc de cette station balnéaire que le raïs a fait connaître sa démission, alors que les Égyptiens étaient dans la rue par centaines de milliers et que certains d’entre eux cernaient la résidence cairote des Moubarak, le siège de la télévision d’État et le palais présidentiel. Et, malice de l’histoire, alors que le raïs va se réfugier à la frontière israélienne, c’est précisément un député travailliste de l’État hébreu, Benyamin Ben Eliezer, qui a donné l’information la plus importante à son propos, au moment où tous s’interrogeaient. Moubarak “sait que c’est fini, que c’est la fin de la route.
Il ne m’a dit qu’une seule chose peu avant son discours, c’est qu’il cherchait une voie de sortie”, a-t-il déclaré. C’est dire que le raïs savait que c’en était fait pour lui, avant même de prononcer son discours de jeudi. S’il l’a fait, dans les termes qu’il a choisis et qui ne sont pas ceux qu’attendaient l’armée et les manifestants, c’est qu’il voulait faire un cadeau empoisonné à l’institution militaire qui l’a lâché.
De fait, l’institution militaire n’avait plus guère le choix : ou elle tire dans le tas pour tenter de sauver le soldat Moubarak, ou elle dépose le président selon une formule peu orthodoxe, le coup d’État. La première hypothèse étant peu envisageable, c’est la seconde qui vient de se produire. Même si, officiellement, il s’agit d’une démission.
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