Une liposuccion à partir de 50 000 DA ou une réduction mammaire à moins de 200 000 DA : désormais, les Algériens partent de moins en moins à l’étranger pour avoir recours à la chirurgie esthétique, les prix locaux étant plus compétitifs. Le 9e Congrès international de médecine et de chirurgie esthétique d’Alger, qui s’est ouvert hier à l’hôtel Sofitel et se tient jusqu’à aujourd’hui, est l’occasion de faire le point sur cette pratique dans la capitale qui commence à rentrer dans les mœurs…
8h30. Au centre laser d’El Qods, Chéraga, Nassima est dans la salle d’attente. Chaque regard qui se pose sur elle la fait douter certes, mais pas assez pour faire marche arrière. Une fois reçue, elle énonce cette phrase d’un trait, comme si chaque seconde amoindrissait son courage et sa capacité à la dire : «Une réduction mammaire docteur, j’ai les seins pendants et trop gros, j’en souffre.» Le docteur Yacine Houfani, chirurgien plasticien, tente d’en savoir le plus possible sur elle et ses motivations. 37 ans, célibataire, agent commercial, souffrant de maux du dos et gênée par une poitrine trop généreuse.
Le médecin examine, mesure, tâte et discute. La réduction mammaire est une opération lourde qui implique une hospitalisation de 48 heures, une anesthésie générale et des cicatrices qui peuvent s’avérer désagréables. Il s’agit de «consentement éclairé» dicté par l’éthique, précise le médecin. Nassima acquiesce et finit par demander : «Ça me coûtera combien ?» 200 000 DA. Adjugé. Ses économies sont faites. Nassima s’en va, rassurée, mais tout de même encore hésitante. Passera-t-elle réellement à l’acte ? Pas si sûr. On continue de penser aujourd’hui qu’en Algérie, la chirurgie esthétique est encore une pratique isolée, méconnue du grand public et soutenue par une catégorie privilégiée de la société. Ce qui est loin d’être le cas. Dans le cabinet du Dr Houfani, comme ceux de nombreux autres chirurgiens esthétiques, les patients se suivent et ne se ressemblent pas.
Effet marketing
A qui le tour ? Manuel, Portugais installé à Alger. Il n’est pas là pour une consultation, mais une séance de traitement des traces d’acné avec le laser Fraxel, l’un des plus modernes qui soit. Allongé sur une table de lit, Manuel sait exactement ce qui l’attend, il n’a donc pas peur. «C’est la première fois que j’ai recours à un chirurgien plasticien en Algérie, mais j’ai confiance.» Sur ces mots, Dr Houfani commence à appliquer le laser sur les surfaces du visage abîmées. Une légère odeur de brûlé survole la petite pièce blanche pendant que des carrés rouges et brûlants parcourent le visage du patient. Aucune plainte émise. «Liy’hab echbah ma yekoul Ah», célèbre adage algérien que le docteur Houfani tente de traduire à Manuel. «Quand on veut être beau, on a pas le droit de se plaindre.» Manuel est d’accord. Nassima et des centaines d’autres Algériens, de plus en plus nombreux à avoir recours à la chirurgie esthétique, seront certainement d’accord, eux aussi.
Liposuccion, plastie abdominale, réduction et implants mammaires, blépharoplastie, rhinoplastie… autant d’interventions pratiquées régulièrement qui confirment que l’Algérie est loin d’être une néophyte en matière de chirurgie esthétique. On est encore loin derrière le Brésil, les Etats-Unis, la France, le Liban ou encore la Tunisie et leurs modèles de «bimbos» tout droit sortis de l’écran après un coup de scalpel des chirurgiens de la série américaine Nip/Tuck. Mais en quelques années, un véritable boom esthétique a changé la donne dans la société.
Tabou a la peau dure
La chirurgie esthétique commence à rentrer dans les mœurs et dans les créneaux en vogue. Où en est en Algérie ? Il n’existe pas de chiffres officiels permettant de faire le point sur la situation, mais un tour chez les chirurgiens d’Alger permet de situer la tendance. Il y a de plus en plus de demandes et quelques chirurgies ont plus la cote que d’autres. Pour ne pas faire original, la liposuccion est en tête de liste comme partout ailleurs dans le monde. La réduction mammaire suit de près pour marquer la différence avec les pays occidentaux où les femmes sont plutôt friandes d’implants mammaires. Les Algériennes sont gâtées par la nature sur ce plan au point de… vouloir s’en débarrasser ! Un comble d’ironie pour toutes les femmes du reste du monde qui rêvent de bonnets généreux et n’hésitent pas à avoir recours à la silicone, à défaut.
A la troisième et quatrième place, on retrouve la plastie abdominale (ventre) et la rhinoplastie (nez). Dans ce palmarès des chirurgies esthétiques les plus répandues, le prix de «la chirurgie la plus fantaisiste» revient à l’allongement du pénis dont beaucoup n’osent même pas imaginer l’existence en Algérie. Elle est pratiquée certes… mais en toute discrétion. Tabou oblige. La palme de «la chirurgie de détresse» sera attribuée, quant à elle, sans hésitation à l’hymenoplastie (reconstruction de l’hymen) qui permet à tant de jeunes filles d’échapper à la torture du déshonneur. «Un sujet dont il faut parler avec prudence pour la protection de ces pauvres filles souvent victimes de viol ou d’accident», précisent plusieurs voix qui tiennent à rester anonymes dès que le sujet de cette opération pratiquée par quelques chirurgiens à Alger est abordé. «Si on en parle trop, il est possible que l’on vienne légiférer pour en interdire la pratique», ajoute-t-on.
Si les Algériens commencent à avoir la chirurgie esthétique dans la peau, les tabous eux continuent d’avoir quand même la peau dure. Pour les malmener, une seule méthode efficace, la disponibilité et l’efficacité. Le docteur Houfani explique : «Avec les effets de mondialisation et les nouvelles méthodes d’information, les Algériens se mettent au diapason de ce qui se fait dans le reste du monde. La disponibilité des moyens, des compétences et des produits créent la demande.»
Et ce n’est pas Lamia, 55 ans, ayant eu recours deux fois à la chirurgie esthétique à Alger, qui le contredira. «Il y a de quoi se réjouir de cette disponibilité, j’ai fait un lifting, il y douze ans, suivi d’un implant mammaire quatre années plus tard. Satisfaite du résultat, je m’apprête à refaire mon lifting.» Même si tout acte chirurgical comporte des risques, les chirurgiens algériens assurent prendre assez de précautions et garantissent un suivi digne des procédures dans les pays de référence (Europe, Etats-Unis). Ce qui rassure les patients algériens.
Passage à l’acte
Le docteur Madjoudj, chirurgien esthétique praticien depuis plus de quinze ans, pense qu’en Algérie «les gens sont plus décomplexés par rapport à la chirurgie qu’on veut vous le faire croire. Mes jeunes patientes viennent le plus souvent accompagnées par un parent. Ceci contraste singulièrement avec les pays occidentaux où l’approche est plus solitaire». Amel, 34 ans, rencontrée à l’entrée d’un cabinet de chirurgie esthétique dans la capitale, explique à quel point pour elle le recours à la liposuccion a été salvateur dans sa vie sociale : «J’étais complexée et je me cachais avec des vêtements amples, m’interdisant toute féminité. Maintenant, je me sens belle, harmonieuse et séduisante, ce qui a forcément changé mes rapports avec les autres.»
Pour elle, comme pour de nombreuses autres personnes torturées par leur image et les mauvais coups de la nature, le bonheur se trouve au bout du scalpel. Il y a seulement quelques années, les Algériens n’avaient pas la possibilité de modifier leur corps avec autant de facilité. Et si elles peuvent le faire aujourd’hui, c’est aussi parce que ces opérations sont possibles à des prix indétrônables. Même s’il est plus indiqué, en médecine, de parler «d’honoraires» sur lesquels d’ailleurs les médecins n’aiment pas trop s’étaler. Il a été possible d’obtenir les fourchettes. Se débarrasser de ses bourrelets de graisse en trop (liposuccion) coûte entre 50 000 et 110 000 DA. Retoucher son nez, entre 45 000 et 70 000 DA.
Les interventions mammaires, d’ajout ou de réduction, se payent entre 50 000 et 200 000 DA. Les liftings, à partir de 100 000 DA… mais l’accessibilité n’exclut pas l’hésitation. 11h. Dans l’ascenseurs du centre commercial d’El Qods, Nassima qui a flâné de boutique en boutique pendant une heure, le regard dans le vague témoigne : «Il faut que j’y réfléchisse, que j’en parle à ma famille. Tout est flou dans ma tête, le médecin m’inspire confiance, mais j’ignore si j’aurais le courage…»
Les hommes plus attirés par la médecine esthétique
Si les femmes représentent près de 70% des consultations en vue de subir une chirurgie esthétique, les hommes se font de plus en plus nombreux. Mais il faut croire qu’ils se retournent plus facilement vers la médecine esthétique et ses méthodes plus douces. Le docteur Mohamed Oughanem, président de la Société algérienne de médecine esthétique, organisatrice du 9e Congrès de médecine et de chirurgie esthétique, qui s’est ouvert hier matin à l’hôtel Sofitel souligne qu’ils sont «de plus en plus nombreux à recourir au peeling, à l’épilation laser de certaines parties du corps, et aux injections de toxine botulique même si la discipline de médecine esthétique souffre de manque de produits. La toxine botulique importée d’Irlande à des fins thérapeutiques n’est exploitée dans la discipline que par défaut».
Fella Bouredji-elwatan
8h30. Au centre laser d’El Qods, Chéraga, Nassima est dans la salle d’attente. Chaque regard qui se pose sur elle la fait douter certes, mais pas assez pour faire marche arrière. Une fois reçue, elle énonce cette phrase d’un trait, comme si chaque seconde amoindrissait son courage et sa capacité à la dire : «Une réduction mammaire docteur, j’ai les seins pendants et trop gros, j’en souffre.» Le docteur Yacine Houfani, chirurgien plasticien, tente d’en savoir le plus possible sur elle et ses motivations. 37 ans, célibataire, agent commercial, souffrant de maux du dos et gênée par une poitrine trop généreuse.
Le médecin examine, mesure, tâte et discute. La réduction mammaire est une opération lourde qui implique une hospitalisation de 48 heures, une anesthésie générale et des cicatrices qui peuvent s’avérer désagréables. Il s’agit de «consentement éclairé» dicté par l’éthique, précise le médecin. Nassima acquiesce et finit par demander : «Ça me coûtera combien ?» 200 000 DA. Adjugé. Ses économies sont faites. Nassima s’en va, rassurée, mais tout de même encore hésitante. Passera-t-elle réellement à l’acte ? Pas si sûr. On continue de penser aujourd’hui qu’en Algérie, la chirurgie esthétique est encore une pratique isolée, méconnue du grand public et soutenue par une catégorie privilégiée de la société. Ce qui est loin d’être le cas. Dans le cabinet du Dr Houfani, comme ceux de nombreux autres chirurgiens esthétiques, les patients se suivent et ne se ressemblent pas.
Effet marketing
A qui le tour ? Manuel, Portugais installé à Alger. Il n’est pas là pour une consultation, mais une séance de traitement des traces d’acné avec le laser Fraxel, l’un des plus modernes qui soit. Allongé sur une table de lit, Manuel sait exactement ce qui l’attend, il n’a donc pas peur. «C’est la première fois que j’ai recours à un chirurgien plasticien en Algérie, mais j’ai confiance.» Sur ces mots, Dr Houfani commence à appliquer le laser sur les surfaces du visage abîmées. Une légère odeur de brûlé survole la petite pièce blanche pendant que des carrés rouges et brûlants parcourent le visage du patient. Aucune plainte émise. «Liy’hab echbah ma yekoul Ah», célèbre adage algérien que le docteur Houfani tente de traduire à Manuel. «Quand on veut être beau, on a pas le droit de se plaindre.» Manuel est d’accord. Nassima et des centaines d’autres Algériens, de plus en plus nombreux à avoir recours à la chirurgie esthétique, seront certainement d’accord, eux aussi.
Liposuccion, plastie abdominale, réduction et implants mammaires, blépharoplastie, rhinoplastie… autant d’interventions pratiquées régulièrement qui confirment que l’Algérie est loin d’être une néophyte en matière de chirurgie esthétique. On est encore loin derrière le Brésil, les Etats-Unis, la France, le Liban ou encore la Tunisie et leurs modèles de «bimbos» tout droit sortis de l’écran après un coup de scalpel des chirurgiens de la série américaine Nip/Tuck. Mais en quelques années, un véritable boom esthétique a changé la donne dans la société.
Tabou a la peau dure
La chirurgie esthétique commence à rentrer dans les mœurs et dans les créneaux en vogue. Où en est en Algérie ? Il n’existe pas de chiffres officiels permettant de faire le point sur la situation, mais un tour chez les chirurgiens d’Alger permet de situer la tendance. Il y a de plus en plus de demandes et quelques chirurgies ont plus la cote que d’autres. Pour ne pas faire original, la liposuccion est en tête de liste comme partout ailleurs dans le monde. La réduction mammaire suit de près pour marquer la différence avec les pays occidentaux où les femmes sont plutôt friandes d’implants mammaires. Les Algériennes sont gâtées par la nature sur ce plan au point de… vouloir s’en débarrasser ! Un comble d’ironie pour toutes les femmes du reste du monde qui rêvent de bonnets généreux et n’hésitent pas à avoir recours à la silicone, à défaut.
A la troisième et quatrième place, on retrouve la plastie abdominale (ventre) et la rhinoplastie (nez). Dans ce palmarès des chirurgies esthétiques les plus répandues, le prix de «la chirurgie la plus fantaisiste» revient à l’allongement du pénis dont beaucoup n’osent même pas imaginer l’existence en Algérie. Elle est pratiquée certes… mais en toute discrétion. Tabou oblige. La palme de «la chirurgie de détresse» sera attribuée, quant à elle, sans hésitation à l’hymenoplastie (reconstruction de l’hymen) qui permet à tant de jeunes filles d’échapper à la torture du déshonneur. «Un sujet dont il faut parler avec prudence pour la protection de ces pauvres filles souvent victimes de viol ou d’accident», précisent plusieurs voix qui tiennent à rester anonymes dès que le sujet de cette opération pratiquée par quelques chirurgiens à Alger est abordé. «Si on en parle trop, il est possible que l’on vienne légiférer pour en interdire la pratique», ajoute-t-on.
Si les Algériens commencent à avoir la chirurgie esthétique dans la peau, les tabous eux continuent d’avoir quand même la peau dure. Pour les malmener, une seule méthode efficace, la disponibilité et l’efficacité. Le docteur Houfani explique : «Avec les effets de mondialisation et les nouvelles méthodes d’information, les Algériens se mettent au diapason de ce qui se fait dans le reste du monde. La disponibilité des moyens, des compétences et des produits créent la demande.»
Et ce n’est pas Lamia, 55 ans, ayant eu recours deux fois à la chirurgie esthétique à Alger, qui le contredira. «Il y a de quoi se réjouir de cette disponibilité, j’ai fait un lifting, il y douze ans, suivi d’un implant mammaire quatre années plus tard. Satisfaite du résultat, je m’apprête à refaire mon lifting.» Même si tout acte chirurgical comporte des risques, les chirurgiens algériens assurent prendre assez de précautions et garantissent un suivi digne des procédures dans les pays de référence (Europe, Etats-Unis). Ce qui rassure les patients algériens.
Passage à l’acte
Le docteur Madjoudj, chirurgien esthétique praticien depuis plus de quinze ans, pense qu’en Algérie «les gens sont plus décomplexés par rapport à la chirurgie qu’on veut vous le faire croire. Mes jeunes patientes viennent le plus souvent accompagnées par un parent. Ceci contraste singulièrement avec les pays occidentaux où l’approche est plus solitaire». Amel, 34 ans, rencontrée à l’entrée d’un cabinet de chirurgie esthétique dans la capitale, explique à quel point pour elle le recours à la liposuccion a été salvateur dans sa vie sociale : «J’étais complexée et je me cachais avec des vêtements amples, m’interdisant toute féminité. Maintenant, je me sens belle, harmonieuse et séduisante, ce qui a forcément changé mes rapports avec les autres.»
Pour elle, comme pour de nombreuses autres personnes torturées par leur image et les mauvais coups de la nature, le bonheur se trouve au bout du scalpel. Il y a seulement quelques années, les Algériens n’avaient pas la possibilité de modifier leur corps avec autant de facilité. Et si elles peuvent le faire aujourd’hui, c’est aussi parce que ces opérations sont possibles à des prix indétrônables. Même s’il est plus indiqué, en médecine, de parler «d’honoraires» sur lesquels d’ailleurs les médecins n’aiment pas trop s’étaler. Il a été possible d’obtenir les fourchettes. Se débarrasser de ses bourrelets de graisse en trop (liposuccion) coûte entre 50 000 et 110 000 DA. Retoucher son nez, entre 45 000 et 70 000 DA.
Les interventions mammaires, d’ajout ou de réduction, se payent entre 50 000 et 200 000 DA. Les liftings, à partir de 100 000 DA… mais l’accessibilité n’exclut pas l’hésitation. 11h. Dans l’ascenseurs du centre commercial d’El Qods, Nassima qui a flâné de boutique en boutique pendant une heure, le regard dans le vague témoigne : «Il faut que j’y réfléchisse, que j’en parle à ma famille. Tout est flou dans ma tête, le médecin m’inspire confiance, mais j’ignore si j’aurais le courage…»
Les hommes plus attirés par la médecine esthétique
Si les femmes représentent près de 70% des consultations en vue de subir une chirurgie esthétique, les hommes se font de plus en plus nombreux. Mais il faut croire qu’ils se retournent plus facilement vers la médecine esthétique et ses méthodes plus douces. Le docteur Mohamed Oughanem, président de la Société algérienne de médecine esthétique, organisatrice du 9e Congrès de médecine et de chirurgie esthétique, qui s’est ouvert hier matin à l’hôtel Sofitel souligne qu’ils sont «de plus en plus nombreux à recourir au peeling, à l’épilation laser de certaines parties du corps, et aux injections de toxine botulique même si la discipline de médecine esthétique souffre de manque de produits. La toxine botulique importée d’Irlande à des fins thérapeutiques n’est exploitée dans la discipline que par défaut».
Fella Bouredji-elwatan